Transformation immobilière : apprendre à circonscrire le risque

La transformation de bureaux en logements appelle des compétences spécifiques. Eiffage Construction, avec lequel ADEQUATION a noué un partenariat, est bien engagé dans cette nouvelle forme de production qui préfigure l’industrie immobilière de demain. On en parle avec Baptiste Suaudeau est le directeur du développement de la SAS Eiffage Construction Résidentiel et Fonctionnel, qui crée des logements en transformant des actifs tertiaires en Île-de-France.

 

Interview de Baptiste Suaudeau de EIFFAGE CONSTRUCTION, par Adequation

 

Pourquoi avoir créé une unité dédiée à la transformation de bureaux en logements au sein d’Eiffage Construction ?

Baptiste Suaudeau : La vacance de plusieurs millions de mètres carrés de bureaux d’un côté, et les besoins non satisfaits de logement de l’autre nous ont naturellement conduits à nous intéresser au marché de la transformation. Ce faisant, nous pouvons réduire l’empreinte carbone de notre activité, et compenser la demande devenue bien moindre pour des bureaux neufs, c’est un relais de croissance pour le Groupe Eiffage. Et, enfin, nous avons un positionnement pertinent à faire valoir puisque le Groupe Eiffage réunit les compétences techniques d’Eiffage Construction et les compétences en matière de montage d’Eiffage Immobilier. Les compétences techniques sont très utiles sur ce type de dossiers, où il faut être capable d’analyser très en amont le potentiel de transformation du bâtiment existant.

 

Avez-vous développé des compétences techniques spécifiques ?

BS: Bien sûr ! Nous avons bien compris que la conservation du bâti existant était un enjeu majeur qui entraînait un changement de modèle. Nous y avons formé nos compagnons, nous avons étoffé nos équipes d’ingénierie afin d’être capables d’évaluer très en amont la faisabilité technique et le coût d’une transformation, nous avons même élaboré un guide dans ce sens il y a déjà trois ans. Nous sommes très aidés en cela par une autre filiale du Groupe Eiffage qui, elle, est dédiée au marché tertiaire. Aujourd’hui, une grande part son activité consiste à restructurer des bureaux existants et non plus seulement à en construire de neufs. Eiffage maîtrise donc le savoir-faire de l’intervention sur le bâti existant.

Quels objectifs de développement vous êtes-vous donnés ?

BS: Nous voulons réaliser un maximum d’opérations, mais sans nous donner d’objectif chiffré car il y a un paramètre délicat à maîtriser, c’est le prix auquel les propriétaires sont prêts à vendre l’actif à transformer. Un prix trop élevé est généralement ce sur quoi le projet va achopper.

 

Vous avez déjà réalisé ou engagé la transformation d’une dizaine d’actifs. Que retenez-vous de cette expérience ?

BS: Que l’approche est forcément très différente de celle de la construction neuve puisque nous devons nous adapter au bâti existant et en conserver le plus possible. Avec quelques paradoxes : par exemple, le PLU bioclimatique de Paris fixe des exigences très élevées en matière d’empreinte carbone et donc de conservation ou de réemploi de matériaux, ce que nous ne contestons pas puisque nous-mêmes sommes engagés dans la même direction. Mais dans le même temps la réglementation générale ne fait pas de différence entre les logements neufs et les logements issus d’une transformation : cela a tendance à augmenter les coûts ou à élever le bilan carbone, ce qui peut aller jusqu’à rendre l’opération infaisable. Cela contribue aussi à orienter la production vers des résidences gérées, dont la réglementation offre plus de souplesse de ce point de vue.

Nous avons pointé cela, avec d’autres, dans le cadre de la réflexion commandée par l’ancienne ministre du logement Valérie Létard l’été dernier.[1] Le rapport qui en résulte est très clair : « La massification de la transformation d’actifs ne pourra advenir qu’en acceptant que les immeubles transformés soient reconditionnés et non remis à neuf », dit-il.

 

Quel est votre modèle d’intervention ?

BS: Eiffage Construction, sur le volet travaux, intervient en tant qu’entreprise générale. Cela nous permet d’offrir un interlocuteur unique à nos clients et de bien contrôler la qualité de nos réalisations. Il y a quand même plusieurs façons d’intervenir, soit classiquement au stade du dossier de consultation des entreprises (DCE) préparé par la maîtrise d’œuvre, soit, ce qui arrive de plus en plus souvent sur ce marché, selon des modes alternatifs tels que la conception-réalisation ou le prix maximum garanti (PMG).

La transformation immobilière étant un marché naissant qui n’a pas encore stabilisé ses fondamentaux, nous sommes de plus en plus appelés, en tant qu’entreprise détentrice d’une expertise technique, à intervenir plus en amont dans la chaîne de conception. Cela sécurise les maîtres d’ouvrage.

 

En quoi consistent ces modes d’intervention situés plus en amont ?

La conception-réalisation appartient à la culture anglo-saxonne, mais elle a aussi été introduite dans les marchés publics, pour des ouvrages présentant une complexité technique particulière : l’entreprise est mandataire d’un groupement qui intègre la maîtrise d’œuvre de son choix. Dans les marchés privés, la maîtrise d’œuvre sera choisie en concertation avec le maître d’ouvrage, mais le principe est le même.

Avec le contrat de prix maximum garanti, qui dit bien ce qu’il veut dire, nous sommes consultés à peu près au stade de l’avant-projet sommaire (APS), nous réalisons nos études et nous nous engageons sur un prix.

 

C’est donc plus risqué…

En effet, mais le marché a évolué. Nous devons être agile pour nous adapter, être force de proposition dans un contexte où le risque est devenu plus élevé et où il faut tout faire pour le circonscrire. Nous avons musclé nos équipes d’ingénierie, renforcé nos compétences en études, sans toutefois nous substituer à la maîtrise d’œuvre. Et puis nous faisons intervenir des entités spécialisées, dans la rénovation énergétique, dans les façades ossature bois, dans la préfabrication… Ce sont des compétences spécifiques qui nous permettent de bien maîtriser les projets ou d’apporter des solutions qui intéressent la maîtrise d’ouvrage ou la collectivité. L’une comme l’autre sont par exemple favorables à une part de préfabrication qui va réduire la durée du chantier, le maître d’ouvrage pour disposer plus vite du bâtiment, la collectivité pour limiter les nuisances aux riverains.

 

Qu’attendez-vous de ce partenariat dans lequel ADEQUATION intervient comme AMO à différents stades des projets ?

Je me félicite de ce partenariat car il répond bien aux enjeux de la transformation immobilière, où il faut être capable d’apporter un regard à 360° sur le potentiel de transformation des bureaux vides qui nous seront proposés. ADEQUATION analysera ce potentiel sous l’angle de la demande résidentielle, y compris en matière de résidences gérées, du positionnement du produit, de la programmation. C’est important pour nous bien sûr, mais aussi pour l’investisseur et pour la collectivité, qui se préoccupe à juste titre de la nouvelle destination du bâtiment. À nous trois, Eiffage Construction, Eiffage Immobilier pour la partie montage et ADEQUATION pour la programmation, nous répondons à un vrai besoin avec une offre qui me paraît très pertinente.


 

Propos recueillis par Jeanne Bazard & Quentin Lamour

[1] Le rapport Sisyphe, publié en juillet 2025, propose de simplifier le cadre réglementaire pour transformer des bureaux vacants en logements, en identifiant les freins juridiques et en proposant des solutions pour faciliter cette conversion.

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