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Directrice de marché Opérateurs de résidences services & propriétaires fonciers privés
L’investissement dans les résidences étudiantes avec services est à son plus haut niveau historique et la demande de logements dédiés reste très élevée. Il sera néanmoins prudent de sélectionner les bons secteurs et de ne pas négliger l’évolutivité des bâtiments.
La population étudiante a plus que doublé en France depuis le début des années 1980, atteignant près de 3 millions de personnes. Cela s’explique par l’augmentation du nombre de bacheliers, l’allongement de la durée d’études et une plus grande démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur.
Déficit structurel
La croissance du parc de logements étudiants dédiés a été bien plus lente que celle de la population étudiante. Selon un rapport d’information du Sénat publié en octobre 2025, la capacité de l’offre en résidence était en 2022 de l’ordre de 395 000 places soit :
- 175 000 résidences gérées par les Crous
- 70 000 autres logements sociaux en résidences universitaires détenus par des bailleurs sociaux
- 150 000 places en résidences étudiantes libres.
Au total, cette offre de logements dédiés aurait répondu aux besoins de seulement 12 % des étudiants à la rentrée universitaire 2022. À noter que, selon Xerfi, le nombre de logements en résidences privés s’élevait plutôt à 165 000 en 2022 (et 183 000 en 2024), ce qui ne change pas fondamentalement le ratio eu égard à la taille du marché (3 millions d’étudiants).
Même si le parc de lits a augmenté fortement ces dernières années, notamment le parc privé avec l’émergence de nouveaux concepts, la dynamique ne comble pas le déficit structurel et les carences sont notoires. Le logement étudiant a été déclaré politique prioritaire du gouvernement (PPG) en janvier 2025. En septembre a été lancé le programme Agile de la Banque des Territoires. « Doté de 5 milliards d’euros, il soutiendra la construction, la transformation et la réhabilitation lourde de 75 000 logements étudiants d’ici 2030, dont 50 000 en loyer abordable et 25 000 en loyer libre ».
Valeur sûre
Le parc privé a connu une croissance plus rapide que le parc social, portée d’abord par des avantages fiscaux (dispositif Censi-Bouvard aujourd’hui éteint), par l’attractivité du produit (croissance de la population étudiante, rendement locatif élevé, risque faible), puis par sa capacité à intégrer une offre servicielle qui augmente sa création de valeur globale. Les exploitants se sont diversifiés, les investisseurs se sont internationalisés.
L’appétence des investisseurs pour cette classe d’actif ne se dément pas, bien au contraire. Selon Immostat, les résidences étudiantes ont attiré 984 millions d’euros d’investissement sur les seuls trois premiers trimestres d’une année 2025 qui s’annonce historique, dépassant déjà le record de 2019.
Disparités régionales
Le cœur de marché des résidences services étudiantes est composé de jeunes (Bac +0) étudiant dans une autre ville que celle où résident leurs parents, ainsi que d’étudiants étrangers pour qui cette offre est plus facile d’accès que le logement ordinaire. Ce marché bénéficie de la forte mobilité des étudiants, sachant que 58 % des néo-bacheliers acceptent une offre de formation hors de leur zone d’emploi d’origine (données Insee 2022).
Il est concentré dans les grandes villes universitaires, qui sont également des métropoles où le marché du logement locatif en général (première solution de logement pour les étudiants qui ne résident pas chez leurs parents) est particulièrement tendu. Sans surprise, le taux d’occupation des résidences étudiantes y est très élevé, autour de 85 % à 95 % sur les marchés majeurs.
On peut grossièrement distinguer 4 types de marché (dont un « non-marché ») :
Les marchés en sous-offre
C’est le cas des principales métropoles : Paris, Lyon, Toulouse, Lille, Bordeaux et Marseille.
Les marchés plus matures
À Montpellier, Rennes, Grenoble, Nantes, Strasbourg…, la profondeur du marché reste suffisante, mais il devient plus concurrentiel, imposant de bien veiller aux offres alternatives et au périmètre d’attraction des projets.
Les marchés risqués
Dans les agglomérations de moindre importance, la couverture du marché peut être relativement élevée et le marché locatif libre offrir des solutions alternatives plus abordables. Un bon exemple est celui de Clermont Ferrand, avec 10 logements étudiants privés pour 100 étudiants et un différentiel de loyer de 150€/mois entre un studio meublé de 20 m² et un studio en résidence étudiante privée.
Les « non-marchés »
Dans les villes moyennes, les étudiants préparent majoritairement des diplômes de niveau BAC + 2 avec un budget contraint pour se loger. En outre, ils sont plus nombreux à résider chez leurs parents car ces formations répandues sur tout le territoire national n’attirent pas d’étudiants extérieurs. Aussi, même si des besoins de logement existent, la résidence privée n’est pas une réponse adaptée.
Plateau
Si l’offre est aujourd’hui largement inférieure aux besoins, qu’en sera-t-il d’ici une dizaine d’années ?
Il est établi que la population étudiante atteindra un plateau à horizon 2030 et il ne semble pas raisonnable de tabler sur un afflux d’étudiants étrangers pour gonfler les effectifs. Même si les objectifs très ambitieux évoqués plus haut (+75 000 logements étudiants en 2030) n’étaient pas atteints aussi rapidement, ce fait démographique est de nature à diminuer la tension sur le marché du logement étudiant, ou plus exactement sur le segment du marché des résidences privées, qui est celui qui nous intéresse ici.
Il faut en outre replacer la demande dans un contexte de marché plus large, où des changements pourront toujours se produire qui relativiseraient la valeur des résidences services privées : reflux des étudiants étrangers, offre sociale plus abondante, nouvelles formes de cohabitation ou produits immobiliers concurrents, transformation massive de bureaux en logements étudiants, moindre mobilité des étudiants…
Évolutivité
Comme dans la plupart des actifs immobiliers, l’évolutivité du produit facilitera son adaptation à des conditions de marché qui ne peuvent être complètement prévues aujourd’hui. L’une des conditions majeures de cette évolutivité est de pouvoir « pousser les murs » afin de reconfigurer le moment venu les studios en logements adaptés à de nouveaux besoins : jeunes couples, familles monoparentales… Cette possibilité future se décide aujourd’hui, dès la conception du bâtiment.
Plus simples à mettre en œuvre, d’autres adaptations allant aussi dans le sens d’une plus grande mixité d’occupation, mais qui relèvent plutôt du marketing, de la gestion (baux), voire de la réglementation (clientèle), doivent aussi être anticipées. L’opportunité se présente déjà d’héberger de jeunes actifs ou des travailleurs saisonniers, autre public en grande difficulté face au logement. Cette clientèle alternative déjà très présente l’été n’est actuellement autorisée par la loi qu’à hauteur de 30 % de l’occupation sur l’année, un taux qui pourrait sans doute être relevé si le besoin s’en faisait sentir.
© zen-chung, Pexels