Coûts de construction : la raison avant le ratio

S’il est important de disposer de métriques et de moyennes pour appréhender les coûts de construction des projets immobiliers, rappelons-nous qu’un ratio n’a pas de valeur prédictive et ne remplacera jamais une bonne compréhension des mécanismes de formation des coûts.

Maîtriser les coûts de production est à l’évidence un excellent moyen, sinon le seul, de réduire les prix de vente des logements neufs, notoirement trop élevés. Encore faut-il être capable d’analyser précisément ce qu’ils contiennent, et cette analyse est loin d’être facile dans une activité très peu industrialisée et rémunérant directement ou indirectement de nombreux intervenants, des producteurs de matériaux aux entreprises du BTP en passant par les promoteurs, maîtres d’œuvre, propriétaires fonciers, notaires, banquiers…

Dans l’empilement des coûts de production, qui va des premières études de capacité à la livraison des logements terminés, la construction domine largement, représentant un peu plus de la moitié du prix de revient. C’est donc là qu’il est tentant de chercher en priorité des marges d’économie.

 

Chasse aux surcoûts

Le récent rapport sur « l’évaluation de la réglementation environnementale 2020 », remis à la ministre du Logement en juillet dernier, s’est attaqué à l’évaluation du surcoût causé par la règlementation énergétique dite RE2020, qui est venue remplacer à compter de 2022 la réglementation thermique RT2012. Il conclut que « le surcoût d’investissement entre 2022 et 2031 pèserait +11% ». En creux, un enseignement de ce rapport est la grande complexité de l’exercice, compte-tenu du très grand nombre de variables à prendre en compte conjugué à une forte dose d’incertitude.

D’une manière générale, il est clair que de grandes disparités existent forcément entre les valeurs statistiques, si exactes soient-elles, établies sur un large échantillon de données, et le cas particulier, forcément particulier, de tel ou tel programme. La taille de l’opération, la nature des fondations, les aménagements paysagers, par exemple, sont de nature à modifier sensiblement l’économie des projets.

Des ratios de coût/m2 ou des évaluations à dire d’expert sont indiscutablement utiles au démarrage du projet : ils fournissent un ordre de grandeur qui permet de dégrossir la question de sa faisabilité économique. Pour autant, ils ne doivent pas être pris pour autre chose que cela.

 

Retour d’expérience

ADEQUATION a observé et analysé les coûts de construction d’une quarantaine de programmes immobiliers résidentiels neufs à différents stades d’avancement entre 2018 et 2025, pour le compte des établissements publics d’aménagement EPAMARNE-EPAFRANCE, en Ile-de-France. L’objectif était d’objectiver l’impact sur les prix de revient des opérations d’un ensemble de facteurs internes et externes. Conçue comme un dialogue entre les parties prenantes concernées (opérateurs, collectivités, maîtres d’œuvre), la démarche visait in fine à optimiser la qualité constructive en tenant compte des contraintes physiques, opérationnelles ou de marché.

Nous avons pu en particulier constater que certaines caractéristiques des projets avaient un impact au moins aussi important sur leur coût de construction que le passage à la RE2020.

Voici en outre quelques enseignements de portée générale que nous en avons retirés :

 

1. L’analyse des coûts sert avant tout à écarter ou redéfinir les projets non viables en amont.

Il n’est pas réellement possible d’anticiper les prix au stade du projet d’aménagement, ne serait-ce que parce qu’ils dépendent fortement de modes constructifs au choix du promoteur, mais aussi parce que trop de variables entrent en jeu dont certaines sont imprévisibles. C’est le cas par exemple de l’inflation, de l’impact d’événement exceptionnels (Jeux Olympiques, Guerre en Ukraine…), mais aussi de l’état de certaines filières d’approvisionnement (matériaux bio-sourcés…). En revanche, nous avons pu constituer un référentiel qui permet d’écarter les projets manifestement non viables à différentes étapes.

2. Certaines idées reçues doivent être reconsidérées.

Citons en au moins deux :

  • Les projets les plus denses ne sont pas forcément les plus propices à l’optimisation des coûts, surtout lorsque l’emprise foncière est réduite et que le règlement d’urbanisme impose un nombre de places de stationnement par logement. Cela peut impliquer des fondations profondes et le cuvelage des parkings, qui alourdissent sensiblement le coût des projets.
  • Confier les travaux à une entreprise générale simplifie la passation des marchés et concentre les compétences chez un même interlocuteur, mais ce n’est pas pour autant une garantie d’économie. La contrepartie, ce sont des coûts de structure élevés. Inversement, il peut être plus aisé et avantageux de négocier au plus juste des marchés de travaux en corps d’état séparés.

3. Le processus d’enquête et de dialogue est plus important que les données recueillies.

Il permet notamment à l’aménageur et à l’opérateur d’améliorer leur connaissance de la formation des coûts. Certains surcoûts découlent des prescriptions qu’il a pu luimême imposer au-delà de la réglementation et il est intéressant de pouvoir en mesurer l’impact.

Finalement, il est important de se rappeler que tout prix est aussi et peut-être d’abord un argument dans une négociation. Celui qui en est l’expert est en position avantageuse par rapport à celui pour qui la formation du prix reste une question un peu nébuleuse.

En outre, pour revenir au propos introductif, faire baisser les coûts de construction n’est pas seulement la responsabilité du constructeur ou du maître d’œuvre. L’aménageur a sa part de responsabilité dans la mesure où il a la main sur un certain nombre d’exigences. Partager un maximum de culture commune entre les protagonistes de l’acte de construire est donc certainement un pré-requis pour faire baisser les coûts.

 


 

@josholalde, Unsplash

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